Disparition de notre confrère Jean-François Le Texier, au service de la rubrique tourisme de Notre Temps pendant de longues années. Hommage de Thierry Perrin, photographe et ami de notre collègue :
« Ensemble, nous avons visité pratiquement toute l’Asie, parcouru les grandes plaines d’Amérique du Nord à la rencontre des indiens Lakotas ou sur les traces de John Wayne et beaucoup d’autres endroits encore sur la planète. Clairement, c’était lui le patron, et moi, ça m’allait bien. Il organisait tout… sauf les photos. Ça, c’était mon boulot dans le binôme et il ne s’en souciait pas plus que ça. En 2006, il nous avait préparé un voyage dans le Dakota à l’époque des chutes de neige et du blizzard. En Asie, nous partions souvent à la saison des pluies, ce n’était clairement pas son problème. Nos dates de reportages dépendaient de son agenda fort chargé car il gérait une trentaine de pages dans Notre Temps, à l’époque le premier mensuel de France. À chaque fois, c’était la roulette russe. Alors, je m’en arrangeais.
Mais ce n’était pas la seule difficulté de nos voyages. Avec Jean-François, pas question de faire du tourisme. Tous les sujets étaient anglés société. Lui faisait l’éponge, toujours aux aguets de la moindre rencontre, des témoignages les plus humains et les plus vrais possibles. Moi je guettais les lumières, les sourires sur les visages, les attentions dans les regards et, à nous deux, nous rapportions toujours nos sujets. C’était notre challenge.
Une fois rentrés, nous prenions plaisir à déjeuner ensemble près de chez Bayard ou chez lui en compagnie de sa famille qui m’a toujours accueilli avec tendresse. Il faut dire que ces moments nous servaient à parler d’autres choses. De ces choses de la vie qui définissent l’humanité, la société ou nos petites personnes. Tous ces moments empreints de controverses, parfois même d’engueulades, mais aussi d’amitié et de respect étaient égayés de franches rigolades.
Il faudrait carrément un livre pour raconter tous nos souvenirs dont certains vous amuseraient assurément car beaucoup d’entre vous connaissent ce partage extraordinaire qui nous attend au coin de chaque reportage en binôme. Nous étions bien conscients de cette chance fabuleuse et de l’avoir vécu pendant une vingtaine d’années. Fin janvier, nous avions encore passé un bon moment au téléphone. Il avait des projets qu’il m’a racontés et il m’avait quitté comme à son habitude en me disant de prendre soin de moi…
Jeff a pris son envol, je ne pourrai plus l’agacer en lui expliquant, juste pour le plaisir de le faire bisquer, à quel point les Bordeaux n’arrivent pas à la cheville des Bourgognes. Ce soir, je vais m’ouvrir un petit beaujolais à sa santé et je lui retourne la dédicace qu’il m’avait adressée sur son premier ouvrage « La dernière charge ». Jean-François, même insupportable, tu restes irremplaçable, bref un ami ! »
Thierry Perrin