La carte de presse, c’est compliqué

La Commission de la Carte d’Identité des Journalistes Professionnels (CCIJP) déplore régulièrement une baisse du nombre de journalistes encartés. Mais dans le même temps elle refuse de délivrer le précieux sésame à celles et ceux qui travaillent en mode auto-entrepreneur, lesquels sont pourtant de plus en plus nombreux. Comme un paradoxe.

Entre 2014 et 2022, le nombre cartes de journalistes en activité accordées n’a jamais cessé de baisser, passant de 36 317 à 33 626 (Source : CCIJP), soit une baisse de 7,5 %. Un très léger rebond en 2023 ne saurait masquer une érosion lente qui interpelle sur les conditions d’obtention de la carte de presse, très souvent indispensable pour pouvoir exercer son métier.

Travaillant sous divers statuts, les journalistes free-lance sont particulièrement exposés. Alors qu’ils travaillent avec méthodologie et passion, bon nombre d’entre eux se voient refuser l’obtention de la carte de presse. Pourquoi ? Parce qu’aux yeux de la Commission, ils ne peuvent fournir des bulletins de salaire, l’une des conditions essentielles pour pouvoir prétendre au très solennel document. En résumé, la nature du contrat de travail passé avec l’employeur prime sur la nature du travail journalistique. Vous avez dit injuste.

« La nature du contrat de travail passé avec l’employeur prime sur la nature du travail journalistique. Vous avez dit injuste. »

Car à bien y regarder, bon nombre de journalistes fonctionnent désormais en mode auto-entrepreneur. C’est comme ça. Cela ne veut pas dire qu’ils travaillent mieux que les salariés, mais cela ne signifie pas non plus qu’ils travaillent moins bien. Eux aussi, avec tout le sérieux qui les caractérisent, rédigent, interviewent, enquêtent. Malheureusement, en application des textes légaux, le statut d’auto-entrepreneur et celui de journaliste ne sont pas compatibles. Non. Pourtant ces indépendants de la plume, de l’appareil photo ou de la caméra méritent respect et considération.

Car parfois le hasard de la vie fait que ces journalistes dénigrés aujourd’hui par les instances ont été naguère salariés dans de grandes rédactions ou même dans des médias plus confidentiels. La carte de presse, corollaire de leur métier, ils l’avaient. Quasi automatiquement. Oui mais voilà, la roue tourne. La profession évolue. Sous le prisme d’Internet et des réseaux sociaux, le journalisme s’est précarisé. Comme bien d’autres secteurs, il n’échappe pas à une forme d’ubérisation. Employeurs, salariés, collaborateurs, contributeurs, c’est la jungle et il faut se battre pour survivre.

« Est-ce à dire que l’instance qui délivre les cartes de presse n’est plus en phase avec la réalité du métier d’aujourd’hui. La question mérite d’être posée. »

Est-ce à dire que l’instance qui délivre les cartes de presse n’est plus en phase avec la réalité du métier d’aujourd’hui. La question mérite d’être posée. Les lignes vont peut-être pouvoir bouger. Pour l’anecdote, de nombreux journalistes ayant obtenu le prix Albert Londres, considéré parmi le plus prestigieux au monde en la matière, ne disposent pas de la carte de presse. Faute de pouvoir l’obtenir et d’avoir essuyé un refus. Voilà qui questionne en effet !

À l’heure où tant et tant s’interrogent car privés de leur outil de travail, ce qui serait sympathique c’est qu’un membre éminent de la Commission de la Carte d’Identité des Journalistes Professionnels puisse venir échanger sur ce sujet lors d’un débat avec les membres de l’AJT. Cela ne manquerait pas de panache n’est-ce pas !

Par David Savary, co-fondateur du site Sport&tourisme

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