Le bureau de l’Association des journalistes de tourisme était l’invité de Normandie tourisme, Calvados, un amour de Normandie et de Caen là Mer.
City trip dans une région où notre histoire récente s’est écrite, mais qui reste cependant encore trop méconnue.
Quand on se balade dans les rues de Caen aujourd’hui, difficile d’imaginer que les feux de l’enfer se sont abattus sur la cité de Guillaume-le-Conquérant. Difficile de croire qu’un tiers de la ville a été détruit par les bombardements alliés qui ont suivi le Débarquement du 6 juin 1944.
Caen, 107 000 habitants aujourd’hui, présente le visage d’une ville tranquille avec son tramway en cours d’agrandissement, ses parcs et ses zones vertes, son port de plaisance, ses centres commerciaux, ses ruelles charmantes du centre-ville, son château médiéval gigantesque érigé en 1060, et ses deux abbayes, aux Dames (fondée en 1060), qui abrite aujourd’hui le conseil régional de Normandie, et aux Hommes, qui est devenue la mairie de Caen en 1965. Deux abbayes où reposent, séparément, Guillaume et sa tendre épouse Mathilde à qui on doit la tapisserie de Bayeux (58 scènes, 626 personnages, 202 chevaux !) racontant la geste de son célèbre mari lorsqu’il a conquis l’Angleterre en 1066.
Caen, ce sont aussi des zones où la solidarité a joué à plein après les affrontements meurtriers de l’été 1944. En témoignent encore, mais pour combien de temps, les “baraques”, ces centaines de maisons offertes par la Suède, les américains, la Suisse ou la Finlande, pour loger des habitants démunis de tout et perdus dans un champ de ruines qu’il faudra deux ans pour déblayer. Pour les habitants relogés ainsi, c’est la fin du cauchemar et la découverte, comme dans les “UK 100”, les baraques américaines construites avec 100 éléments, d’un niveau de confort jamais imaginé : salle de bains avec baignoire, chauffage central, cuisine équipée et placard dans les chambres… Aujourd’hui, il ne reste plus que 400 maisons données par la Suède à être conservées en l’état.
Sauvés grâce à la glacière
Mais retour au Débarquement et à la guerre. Les Alliés avaient imaginé un débarquement rapide. Il n’en a rien été. Passés les premiers jours, les Allemands se ressaisissent. Au plus fort des affrontements, ce ne sont pas moins de deux millions de soldats qui se font face (deux fois plus que le nombre d’habitants que comptaient alors la Manche et le Calvados). Durant trois mois, les Normands sont pris au cœur de cette bataille gigantesque. Les victimes civiles sont nombreuses (2 000 morts à Caen, 20 000 Normands tués, soit un tiers de tous les civils français ayant péri durant le conflit), ceux qui le peuvent prennent le chemin de l’exode, malgré la mitraille qui peut frapper à chaque instant depuis les airs ; d’autres celui des caves, des tranchées, des bois et des sous-bois, des maisons isolées, des fermes et des édifices religieux. D’autres, enfin, ont choisi de se cacher sous le nez des Allemands. Dans une glacière souterraine.
De prime abord, rien ne permet de distinguer la glacière dont l’entrée se situe dans un square aux arbres magnifiques. Pourtant, dès qu’on y descend, on se rend compte de l’importance de cet octogone édifié au XIXe siècle : 12 mètres de profondeur maçonnés en pierre de Caen, avec en son centre une cuve haute de 8 m pour un diamètre de 5,85 m. Chacun de ses deux niveaux offre une surface utilisable de 327 m². Il fallait, à l’époque où elle était en activité, près d’une centaine d’hommes pour la remplir de glace, une glace qui était entassée, couche après couche sur un plancher de fagots et de paille. La moindre trace d’air était traquée pour limiter la fonte au maximum. Résultat, la glace (qui venait de Norvège !) pouvait être conservée durant un an ou deux. Cette glacière, outre de fournir de la glace, permettait de conserver à 5 ou 6° poissons, viandes, légumes ou laitage.
C’est donc là que des habitants de Caen ont choisi de se réfugier pour échapper aux bombardements : dans la nuit du 8 au 9 juillet 1944, le ciel de Caen est noir des forteresses volantes qui vont déverser des tonnes de bombes sur la ville.
Ensuite, les habitants auront à subir le feu des forces anglaises et canadiennes dont l’objectif est la prise de la ville située dans le secteur Juno dévolu aux Canadiens. Pris en étaux entre les combats et les exactions allemandes (dans la maison d’arrêt située non loin, les Allemands massacrent 87 prisonniers, dont la plupart sont des résistants), de 70 à 80 habitants du quartier se cachent donc dans la glacière.
Au nez et à la barbe des Allemands, ils y passeront six semaines dans des conditions difficiles mais « seuls » deux périront en tentant de se ravitailler. À leur sortie, ils découvriront une ville dévastée mais aussi ses soldats attendus durant des mois et qui leur offrent du chocolat et du tabac. En retour, ils leur font découvrir le cidre et le calvados.
Histoire, pédagogie et émotion au Mémorial de Caen
Pour comprendre cette période terrible, une visite au Mémorial de Caen est indispensable. Édifié sur le site d’un ancien poste de commandement allemand, le Mémorial en impose par ses dimensions : 14 000 m². Il en impose davantage encore par la richesse des collections sur le Débarquement et les cent jours de la « Bataille de Normandie » ainsi que sur l’histoire de la Seconde Guerre mondiale qu’il propose grâce à des thématiques bien spécifiques.
D’abord, le Débarquement avec ses cinq sites : deux Américains, Omaha et Utah, deux Britanniques, Sword et Gold, un Canadien, Juno. Débutée le 6 juin, la bataille de Normandie ne s’achèvera que le 12 septembre avec la prise du Havre. Toutes les phases de cet affrontement sont évoquées salle après salle : le jour J ; les alliés qui piétinent ; la libération de Caen, l’opération Cobra ; la poche de Falaise et enfin les Allemands qui repassent la Seine. Au détour d’une salle, on tombe sur un Rupert. En clair, une des centaines de poupées de toile remplies de sable et de paille et équipées de charges explosives pour simuler une attaque. Leur but : tromper les Allemands et provoquer une confusion totale sur les forces des troupes aéroportées alliées. Ce sera le cas à Yvetot, Saint-Lô, dans le sud de Caen et à l’est de l’Orne.
Le Mémorial ne s’intéresse pas qu’au Débarquement. Tous les aspects de la Seconde Guerre mondiale sont évoqués, comme le génocide juif et les violences de masse à l’encontre des Tsiganes ou des homosexuels, en Europe mais aussi les exactions japonaises en Asie-Pacifique entre 1937 et 1945. La vie quotidienne en temps de guerre a aussi une large place…
La guerre après la guerre est aussi largement abordée avec une section consacrée à la Guerre froide, l’affrontement de deux blocs, de deux idéologies, de deux systèmes. D’un côté, les États-Unis, de l’autre l’Empire soviétique. D’un côté les néons, de l’autre la radio à fréquence unique. Jusqu’à la chute du Mur de Berlin dans la nuit du 9 au 10 novembre 1989. Après la stabilité fondée sur la terreur s’est ouverte une nouvelle période tout aussi, sinon plus, dangereuse. Le Mémorial y consacrera sans doute un jour une section. Mais nous n’en sommes pas encore là.
Sur la plage d’Arromanches-les-Bains
En attendant, retour sur les plages où des milliers d’hommes ont risqué ou perdu leur vie pour rendre sa liberté à une Europe sous le joug nazi. À Arromanches-les-Bains, très précisément, dans le secteur Gold dévolu aux Anglais, non loin de Bayeux. Sur la plage bordant le musée du Débarquement qui finit sa mue, quelques vestiges de ce qui fut un port de fortune permettant aux Alliés de ravitailler leurs forces en matériels et en hommes.
Le 8 juin 1944, deux jours seulement après la libération d’Arromanches, les Alliés ont commencé à aménager leur port à l’aide de caissons Phoenix, immenses structures de béton flottantes de 1 000 à 7 000 tonnes tirées depuis l’Angleterre et immergées au large pour former une digue. Une semaine plus tard, les premiers déchargements débutent : en cent jours, 220 000 soldats, 530 000 tonnes de ravitaillement et 39 000 véhicules transitent par le “Port Winston”, mais aussi du carburant, des hôpitaux.
C’est l’histoire de ce port essentiel à la victoire des Alliés, des hommes qui l’ont bâti, de ceux qui y sont passés que raconte le musée du Débarquement où se pressent chaque année quelque 320 000 touristes du souvenir, dont certains venus du bout du monde, mais aussi 40 000 scolaires.
Le Musée du Débarquement d’Arromanches est au coeur du circuit des plages du débarquement, face aux vestiges du port Wilson.
Le Centre Juno Beach rend hommage aux 45 000 Canadiens qui ont perdu la vie pendant la Seconde Guerre mondiale
Autre secteur, plus au Nord, Juno, à proximité immédiate de Caen. Ici, ce sont les Canadiens qui ont eu pour mission de chasser les Allemands de la côte et de prendre la cité de Guillaume-le-Conquérant. Un petit musée, très ludique pour s’adapter à tous les publics, rend hommage à ces soldats anglophones ou francophones venus rendre sa liberté à l’Europe.
Ouvert en 2003 à l’initiative de vétérans et de leurs familles, ce musée raconte l’histoire du Canada durant la Seconde Guerre mondiale dans tous ses aspects : les combats, bien sûr, mais aussi les gestes du quotidien, « au pays », comme économiser le métal, le caoutchouc ou le papier.
Il évoque aussi le rôle joué par les Amérindiens, longtemps exclus de l’histoire officielle, les peurs des soldats démobilisés et des familles ne voyant pas revenir leurs enfants. Un million de Canadiens ont servi dans les forces armées. 45 000 ne sont jamais rentrés.
En ce 6 juin, et alors que le Temps emporte les derniers vétérans et témoins du Débarquement, il est important de ne pas oublier le sacrifice de ces hommes, américains, britanniques, canadiens, français, mais aussi polonais, tchécoslovaques, belges ou norvégiens qui ont versé leur sang, pour que celui de la liberté coule à nouveau dans les veines de l’Europe.
Promenade immersive, en duo, à Ouistreham
Écouter les témoignages de ceux qui ont vécu le Débarquement en déambulant dans les rues et sur la place d’Ouistreham, c’est ce que propose l’office de tourisme au cours d’une promenade immersive, une « Délicate ». Dans l’ancienne zone britannique de Sword Beach, les participants à la balade munis d’une ombrelle géolocalisée sont invités à se déplacer dans les rues de la petite station balnéaire, à découvrir les maisons présentant un intérêt particulier, à frôler le Grand Bunker allemand, devenu un musée du Mur de l’Atlantique, à marcher sur la plage, là même où il y 79 ans des hommes ont livré de féroces combats, en écoutant la voix des témoins de l’époque et les réflexions de ceux du temps présents. Une expérience immersive étonnante et non dénuée d’intérêt.
F.C.
Balade immersive, sonore, autour du Débarquement à Sword Beach, une des cinq plages du débarquement allié en Normandie. Équipé d’un parapluie géolocalisé et d’écouteurs, nous nous laissons guider dans les rues et sur la plage, par les témoignages de toutes les générations et la voix de ceux et celles qui ont vécu l’Occupation et le Débarquement. Une plongée (très) émouvante au cœur de la grande Histoire à travers la petite ! Une expérience à ne pas manquer !
Le train au départ de Paris est le meilleur moyen pour se rendre dans les sites du Débarquement. La Région Normandie a mis en place depuis la gare Saint-Lazare, des trains hyperconfortables (on y trouve même des distributeurs de café !) et à prix attractifs, qui rejoignent la côte en deux heures. Un vrai moment de relaxation au fil de la Seine.
Marie-Hélène Bazaine, responsable du pôle commercial et de la relation client chez SNCF Voyageurs, nous a accompagné depuis la gare Saint-Lazare jusqu’à la gare de Caen pour présenter les offres de mobilités permettant de rejoindre la Normandie depuis Paris tout au long de l’année.
Merci à Normandie Tourisme, Calvados Attractivité, l’Office de Tourisme Caen, la Mer, SNCF Voyageurs Lignes Normandes, pour leur accueil chaleureux et particulièrement à Alexandre Lelouey, Séverine Frères, Florence Nikolic…
Par Frédéric Cheutin
Photos : Caroline Paux